Construire les collèges de demain
Collèges à rêver, collèges à vivre


Comment concevoir, réaliser ou rénover des collèges selon une norme qui garantit de répondre aux besoins de leurs utilisateurs et aux défis pédagogiques de l'avenir ? Un débat engagé par le Conseil général pour construire et rénover les "collèges de demain".


Le Conseil général a la responsabilité de construire, d'entretenir et de financer le fonctionnement des collèges. Axe prioritaire de la politique départementale, 30 % du budget d'investissement sont consacrés aux travaux dans les collèges représentant, depuis 1986, trois milliards de francs. Entre 1998 et 1999, un audit réalisé dans quatorze établissements récemment construits ou rénovés, a révélé, au-delà de la satisfaction des nouvelles conditions de vie et de sécurité, des questions plus profondes mettant en lumière de nouvelles aspirations éducatives. "Très bien, très beau, mais les relations entre adultes et élèves sont toujours comme avant", déplore un parent d'élève. "La façon de concevoir la disposition des locaux est toujours la même, on retrouve une salle des profs sans aménagement réfléchi et les élèves circulent de la même façon", ajoute un professeur. Des interrogations que comprend volontiers Guy Pettenati, vice-président aux Collèges et à l'Enseignement : "Notre démarche vise à modifier en profondeur les programmes de construction sur la base desquels les équipes de maîtrise d'œuvre concevront dorénavant les collèges. Au cœur de cette nouvelle démarche : la volonté d'offrir aux élèves, aux personnels, des conditions d'étude et de travail susceptibles de répondre encore mieux à leurs besoins, à leurs attentes en concevant de fait le collège du XXIe siècle". Un avis partagé par Jean-Louis Loviot, secrétaire départemental de la FEN qui approuve globalement l'approche du Conseil général même si "ponctuellement, il sera nécessaire d'apprécier les aménagements au cas par cas."
L'architecture, la conception, l'organisation spatiales peuvent-elles avoir un impact direct sur la qualité de l'enseignement ? L'étude révèle que "lorsque l'espace le permet, les enseignants en profitent pour renouveler leur pédagogie". Si les critiques portent souvent sur la conception des nouveaux établissements "calqués sur les anciens", elles mettent également au premier plan la nécessité de favoriser "l'inter-connaissance". "Quand les rencontres entre adultes et les élèves ont lieu, les rapports sociaux s'humanisent et les tensions baissent", selon les premiers constats de l'audit. Il faudrait donc revisiter nos images vieillottes sur la construction des établissements scolaires. C'est du moins l'avis de Véronique Lancelin, la "programmiste" chargée de la mise en œuvre de ces nouveaux programmes pour plusieurs collèges du département. Elle connaît bien les différentes architectures. "Trop de collèges sont conçus comme des paquebots où circulations verticales et horizontales distribuent les alignements monotones de classes. Il existe d'autres espaces possibles à concevoir, mais ils se heurtent à une demande "sécuritaire" souvent mise en avant, au risque de construire des collèges bunkers."
Évoqués lors de deux journées de réflexion organisées par le Conseil général et l'Inspection académique, ces premiers constats ont fait, il est vrai, émerger des inquiétudes. Une nouvelle distribution des espaces nécessiterait des moyens humains supplémentaires affectés à la surveillance. Mais pour Marie-Louise Testenoire, l'inspectrice d'académie, "il n'est pas nécessaire de mettre un surveillant derrière chaque élève. Un ancrage dans le quartier et une ouverture "raisonnée" à l'environnement extérieur doivent permettre aux collégiens de mieux respecter leurs locaux. Il faut aussi rechercher l'autonomie et la responsabilisation des élèves par de nouvelles pratiques pédagogiques".
Au collège Albert-Schweitzer à Créteil, dont le personnel et les élèves ont pris une part très active à la concertation, les collégiens ont établi le profil-type du collège idéal. S'y exprime clairement la revendication d'activités diversifiées, de travail en groupe, d'un grand centre de documentation et d'outils informatiques… en libre service ! Les nouvelles technologies -jusqu'à quand resteront-elles nouvelles ?- sont d'ailleurs un point important de l'aménagement des collèges de demain. "Les NTIC, en tant qu'outils, doivent faire pleinement partie du concept des nouveaux collèges et de la réflexion sur les nouveaux espaces", affirme-t-on au Conseil général. Tout en soulignant l'importance d'un accompagnement à la fois technique, pédagogique et didactique des enseignants. Un enjeu capital selon Véronique Lancelin à qui certains jeunes confiaient : "Ils ne veulent pas qu'on aille sur internet parce qu'ils ont peur qu'on en sache plus qu'eux". Toute cette démarche d'étude, d'analyse et de concertation sur la construction des collèges de demain ouvre la voie aux grands principes d'un schéma directeur pour le département du Val-de-Marne : "Le collège pour tous et pour chacun". Cette nécessité de prévoir des lieux propices à des relations individualisées a aussi un coût : une progression de 25 % des montants de chaque opération. Mais quand l'enquête demande aux collégiens ce qu'ils pensent être leur revendication la plus importante, leur première réponse est : "On veut des lieux pour travailler". Cela a-t-il un prix ?

Alain Bachellier

LES PRINCIPES DU SCHEMA DIRECTEUR Un collège pour tous et pour chacun. Un collège à taille humaine. Un lieu évolutif, non figé. Circulation et flux facilités. Ouverture "maîtrisée" vers l'extérieur. Accès aux nouvelles technologies.

LES ESPACES DU COLLEGE DE DEMAIN Un lieu d'accueil. Des espaces communs. Des espaces d'enseignement. Administration, vie scolaire et services médico-sociaux. Un centre de documentation et d'information (CDI). Des installations sportives couvertes et extérieures.

101 collèges publics

30 % du budget d'investissement du Conseil général est consacré aux travaux dans les collèges.

400 à 600 élèves : la taille idéale du collège de demain pour obtenir de bonnes conditions d'enseignement et sans souffrir des problèmes de surpopulation.

25 % de surfaces supplémentaires sont nécessaires pour la création des nouveaux espaces.

100 MF, c'est le coût moyen de construction d'un nouveau collège respectant les normes du schéma directeur.